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Le blog UltraDanse.com regroupe les billets écrits par
Christian Rolland, danseur, enseignant, auteur et éditeur de livres
portant sur la danse. N'hésitez pas à ajouter un commentaire
sur cet article.
S'il est intéressant de découvrir les danses traditionnelles
de France dans leur ensemble, il est encore plus intéressant
d'approfondir le cas de certaines d'entre elles. Mon nom de
famille ne cache pas mes origines bretonnes et il me semble
donc logique de vous présenter un peu de la culture qui est
la mienne. Ce n'est pas parce que j'ai émigré vers le Sud que
j'en oublie mes racines, loin de là. Je vous invite donc à
passer quelques minutes dans le monde des danses bretonnes
(comme la célèbre gavotte) où le fest noz et la langue bretonne sont
bien présents. Précisons dès à présent que danse se dit
dañs en breton et que cela se prononce comme le mot
français.
Pour bien comprendre ce qui suit, il faut savoir que la
Bretagne n'est pas une région où la culture est uniforme.
D'ailleurs, on ne parle pas le même breton à Brest qu'à Vannes.
C'est une région composée de plusieurs "pays" (bro en breton)
qui ont chacun leur propre microculture et n'ont pas de réel
rapport avec les départements (Finistère, Côtes-d'Armor, etc.)
que nous connaissons aujourd'hui. En marge de ce découpage
de type "province", on rencontre une division qui a son
importance dans le domaine de la danse :
Basse-Bretagne (à l'Ouest et où l'on parle breton) et
Haute-Bretagne (à l'Est et où l'on ne parle pas beaucoup breton,
voire plus du tout). J'espère que ces précisions aideront les
non-Bretons à mieux comprendre les choses...
La première danse bretonne dépeinte par écrit serait le trihori.
(On rapproche le nom de trihori du breton tri c’hoari qui signifie "trois
jeux" en référence aux trois parties composant la danse.)
On retrouve sa trace dans un document de 1588 de Thoinot Arbeau
qui la décrit comme une sorte de branle (danse du moyen-âge). En
cette comparaison, on trouve donc des similitudes avec des danses
traditionnelles d'autres régions de France.
En Basse-Bretagne, on distingue cinq danses dont semblent découler
les autres :
la gavotte (dañs tro, largement diffusée), l'an dro parfois
écrit en dro
(région de Vannes et souvent associé à l'hanter dro),
la dañs Treger (région du Trégor),
la dañs Leon (Nord du Finistère) et la dañs tro plinn
(centre de la Basse-Bretagne). En Haute-Bretagne, c'est moins clair,
car les travaux de recensement n'ont été réalisés que tardivement.
On trouve néanmoins clairement des danses apparentées
à l'an dro bas-breton, des ronds ou rondes, des passe-pieds,
des branles vendéens. On remarque l'absence de noms bretons pour
ces danses de Haute-Bretagne. Toutes ces danses se pratiquaient
souvent en cercles fermés. On peut ainsi citer d'autres
danses connues comme la ridée, le laridé, la danse du loup,
le jabadao, la dañs plinn, mais aussi en Haute-Bretagne
la pastourelle, l'avant-deux et les quadrilles.
Comme pour beaucoup de danses traditionnelles, la pratique
a longtemps été essentiellement tournée vers les moments clef de
la vie des gens : grands travaux agricoles (moissons,
arrachage des pommes de terre, grands défrichages, etc.),
activités de groupe (confection de paniers, etc.), événements
familiaux (mariage, etc.), événements commerciaux (foires),
événements religieux (pardons, feux de la Saint-Jean, etc.)
La danse était accompagnée de chants ou de musiciens (sonneurs
de biniou et de bombarde, mais ils ont été rejoints par des
joueurs de violon, de clarinette ou d'accordéon). Le recours
aux musiciens (qui étaient payés) avait généralement lieu lors
de grands événements. Les autres fois, les danses étaient
animées par des chanteurs (qui n'étaient pas payés, eux) qui
peuvent très bien danser en même temps qu'ils chantent.
À noter, la spécificité des chants bretons en
la technique du kan ha diskan ("chant et contre-chant")
où deux chanteurs alternent en une sorte de question-réponse.
À l'époque, chaque bro
avait ses propres danses qui se diffusaient peu
et les différentes danses étaient généralement
transmises par mimétisme : chaque nouveau danseur
apprenait sur le tas en regardant les autres ou en intégrant
directement (et maladroitement) la danse de groupe.
Mais l'industrialisation de la fin du XIXe siècle avec ses voies
de communication crée une ouverture vers l'extérieur, qui
fera évoluer la danse plus rapidement que précédemment.
En effet, la société évolue vers une individualisation plus
présente là où l'esprit de groupe était essentiel à la survie.
C'est ici que le cercle formé par les danseurs s'ouvre et
se transforme en longue chaîne où le meneur du début de
la chaîne décide du chemin. Puis, on passe à des chaînes
de plus en plus courtes (jusqu'à finir au simple couple)
où chaque individu pourra être amené à se montrer un peu plus.
En parallèle de cette évolution, les mouvements de bras sont
apparus là où les danseurs se serraient littéralement
les coudes à l'origine, ce qui ne permettait pas aux bras
de bouger, mais renforçait le lien entre les danseurs.
Au XVIIIe siècle, les danses de Haute-Bretagne sont
également influencées
par la contredanse anglaise (country dance) où
l'on danse couple par couple, comme dans un quadrille.
La contamination sera effective au début du XIXe siècle.
Et l'on ne parle pas des polkas et autres scottiches qui se
diffusent dans tout le pays et sont assimilées par les
danses traditionnelles.
La danse bretonne la plus connue de nom est probablement
la gavotte.
Cette danse bretonne (aussi appelée dañs tro en breton) doit son appellation
française à la gavotte française dansée à la Cour du fait que les
deux danses se pratiquent en cercle, mais il semble que l'origine
de la danse n'ait pas de rapport avec la gavotte française.
Les pas de la gavotte bretonne varient
selon la zone géographique où elle est pratiquée (différence au niveau
des changements d'appuis, petits sauts, vitesse, etc.). Cette zone
s'étend sur environ les 3/4 de la Basse-Bretagne.
La gavotte peut se trouver au sein de suites de danses incluant
des moments de repos (parfois marqués par une marche). Je réserve
une description détaillée des pas pour un autre article.
Même si elle est la plus connue du fait de son nom français,
ce n'est pas à la gavotte à laquelle pensent les touristes
se rendant en Bretagne. Ils ont en tête l'image d'une danse se dansant
en cercle, certes, mais qui comporte des mouvements de bras
et où les danseurs se tiennent par le petit doigt. En réalité,
il s'agit là de l'an dro (que l'on peut
traduire par "la ronde" ou "le tour" en français). Cette danse
peut aussi se faire en chaîne ouverte où les hommes et les
femmes sont alternés et se tiennent effectivement par le petit doigt.
Le néophyte en danse peut éprouver des difficultés à synchroniser le
mouvement de ses pieds avec celui de ses bras qui est caractéristique
de la variante de Baud et qui correspond à ce qui est dansé
de nos jours en fest noz. Je vous donne quelques détails.
Lorsqu'ils dansent en rond, les danseurs démarrent face au centre
du cercle et se tiennent par le petit doigt. La rythmique de base
est : "1 et 2, 3 et 4", que l'on peut aussi énoncer : "vite, vite, lent,
vite, vite, lent". Cette rythmique est marquée par les pieds : un pas
par mot en commençant par le pied gauche, on sautille très légèrement,
les pieds toujours posés à plat.
1. Écarter le pied gauche à gauche.
et. Assembler le pied droit au pied gauche.
2. Écarter le pied gauche à gauche.
3. Assembler le pied droit au pied gauche.
et. Piétiner du pied gauche sur place.
4. Piétiner du pied droit sur place.
Donc pour résumer, un déplacement en pas chassé se fait sur "1 et 2" alors
que l'on reste sur place sur le "3 et 4". Enfin, il y a le fameux mouvement
des bras. En réalité, il est simple : on enroule comme si on tournait deux manivelles
à la fois (on termine coudes en bas et mains en haut) sur "1 et 2" et
on effectue le mouvement inverse (on déroule) sur le "3 et 4". Ce qui est
compliqué au début, c'est de faire les pas et les bras en même temps.
En guise d'exemple, voici un an dro dansé en chaîne en 2008 par le
cercle celtique "Bleuniou Lann An Aven" lors de la soirée de l'Aven
à Riec sur Belon, dans le Finistère. Un film réalisé par un amateur, mais
qui est assez représentatif.
Depuis années 40 et encore davantage après la Seconde Guerre mondiale,
les cercles celtiques et les groupes de loisirs déforment
(volontairement ou non) les danses que leurs danseurs pratiquent.
Ils créent ainsi de nouvelles danses et variantes.
L'invention de nouvelles danses a aussi été parfois faite
en contradiction avec le support musical traditionnel (on effectue
des pas sur une musique qui n'y est traditionnellement pas associée).
Le renouveau de la danse traditionnelle bretonne se fait
en partie grâce au chanteur et harpiste Alan Stivell
(dont l'une des mélodies connues a été reprise dans les années 90
par le groupe Manau) qui, par la musique et ses prises de position,
affirma sa culture et l'identité de ses racines.
Après 1970, l'évolution des musiques populaires
amena le remplacement du chant dans les festoù noz
par des formations musicales où apparaissent les
guitares électriques. Une petite précision : festoù noz
est le pluriel de fest noz, une fête en soirée. Si la
fête se passe le jour, on appelle cela un fest deiz
("fête de jour").
Ces fêtes traditionnelles sont devenues un vecteur de transmission
non seulement des danses bretonnes, mais aussi de la musique bretonne.
Ces rassemblements se font comme les soirées de danses à deux,
il s'agit d'une sortie de loisir pour se divertir et voir du monde
dans une ambiance festive. Le mot fest noz dépasse aujourd'hui
les limites de la Bretagne puisqu'on qualifie parfois de fest noz
les bals folk d'autres régions où d'autres danses traditionnelles
sont pratiquées (mazurka, polka, scottich, bourrée, etc.).
Ces rendez-vous familiaux et populaires ouverts à tous semblent
être très positif, cependant ils
ont produit des effets pervers sur les danses des origines
par un gommage des difficultés techniques, l'uniformisation des gestes
lorsque des cours d'initiation sont donnés, etc. En même temps,
on voit parfois la disparition des rituels de danse dans les festoù noz
(disparition du meneur, attitude légère vis-à-vis des traditions,
perte de respect, etc.). De même, on assiste à la dissociation entre la
musique et chant d'un côté et la danse de l'autre côté.
Comme pour beaucoup de danses traditionnelles, si nous pouvons
encore danser ces danses traditionnelles bretonnes, c'est grâce
aux efforts de collectage qui ont été faits du temps où il y
avait encore des survivants connaissant les danses des origines.
Il y a toujours une opposition entre les partisans de la tradition intacte
des origines et ceux qui pensent que les danses ne vivent que
si elles sont pratiquées et si elles évoluent selon leur contexte
de pratique dans le temps. Là-dessus, je vous laisse réfléchir...
L'été est passé et vous aurez peut-être manqué quelques festoù noz
lors de vos vacances en Bretagne. Néanmoins, jetez un oeil à côté
de chez vous : il y a sûrement un groupe d'irréductibles Bretons
expatriés qui vous accueilleront avec plaisir. Il y en a partout,
même où je vis à présent, dans le Sud-Ouest toulousain...
je confirme:
des festou-noz sont ausssi organisées en Alsace.
Je participe à un groupe de danses bretonnes (je suis alsacien de souche) bien que pratiquant par ailleurs des danses "folkloriques" de tous pays (balkans, israel, amériques, flamands ...)
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